Plongée dans un marasme économique qui dure depuis bientôt 10 ans, la Grèce s’est engagée à ouvrir son économie aux investisseurs étrangers pour rembourser le créancier européen. Mais la frilosité du gouvernement Tsipras remet en question toute perspective de sortie de crise.
En l’espace de huit années, plus de 500 000 Grecs auraient quitté leur pays natal pour fuir la grave crise économique que traverse la péninsule hellénique, selon le bureau des statistiques européennes Eurostat. Face à un chômage proche des 25 %, les jeunes sont les plus concernés par cet exil massif des travailleurs grecs, confrontés à un climat particulièrement anxiogène. Malgré les dernières largesses de l’Union européenne, qui a promis une enveloppe globale de 10,3 milliards d’euros pour renflouer les caisses athéniennes, les grands entreprises grecques font faillite les unes après les autres. Après l’hôtel de luxe Ledra et le groupe de sécurité Pyrsos, la chaine de supermarchés Marinopoulos, qui emploie 12 500 salariés, a été placée en procédure de faillite pour limiter des dettes estimées à plus d’1,3 milliard d’euros. Son rachat annoncé par le principal groupe de distribution concurrent, Sklavenitis, s’il est confirmé, devrait toutefois permettre de rembourser en partie les fournisseurs et de payer les employés.
Les retards de salaire sont en effet devenue monnaie courante en Grèce, concernant même jusqu’à deux tiers des actifs. La rémunération en dessous du revenu minimum (684 euros), le seul en Europe à avoir baissé depuis 2008, est également pratiquée par de plus en plus d’entreprises, comme la société hôtelière Theoxenia à Salonique, qui a imposé à ses employés un salaire de 500 euros. Ajoutées à la libéralisation du travail et aux nombreuses (12) baisses successives des retraites, rognées de 40 % en moyenne, les conditions socio-économiques en Grèce se sont particulièrement dégradées depuis le début de la crise financière mondiale.
Pour le premier ministre Alexis Tsipras, chantre de l’anti-austérité, la solution évidente consiste cependant à ouvrir l’économie grecque aux investisseurs étrangers, nombreux à être intéressés par la situation géographique du pays et son patrimoine historique. L’arrivée de nouveaux capitaux à travers la cession et la privatisation de structures d’envergure est d’ailleurs l’une des principales conditions réclamées par Bruxelles. Pourtant, le gouvernement formé par Syriza peine à tenir les promesses faites au créancier européen, au risque de décourager pour de bon les potentiels investisseurs.
Tiraillé entre ses promesses électorales et ses engagements avec Bruxelles
Avant de céder 67 % du port du Pirée, le plus grand port de Grèce et parmi les plus grands de Méditerranée, pour 368,5 millions d’euros au géant chinois Cosco, Alexis Tsipras a ainsi multiplié les tergiversations, qui ont retardé la transaction de plusieurs mois. Dans le même temps, le chef du gouvernement avait entamé des négociations pour mettre en vente les trois principaux chantiers navals du pays (Elefsis, Neorion et Skaramangas), oubliant que l’un d’entre eux (Skaramangas) était déjà la propriété d’un groupe émirati (Abu Dhabi Mar) avec qui l’État grec est en procès… En 2015, le premier ministre a même refusé net la reprise de la mine de Skouries et l’ouverture d’autres projets miniers par le groupe canadien Eldorado Gold, qui proposait pourtant plus d’un milliard d’euros d’investissement et la création de 600 emplois.
Tiraillé entre ses engagements avec Bruxelles pour sauver l’économie nationale et ceux anti-capitalistes envers ses électeurs, Alexis Tsipras tente depuis sa réélection en septembre 2015 de satisfaire chacune des parties. Pourtant, en poursuivant son numéro d’équilibriste, il ne fait que trahir les deux, incapable de sortir le pays de la crise qui le frappe depuis près de 10 ans.