En plein essor, le commerce entre la Chine et l’Afrique suscite depuis plusieurs années de vives critiques. En cause, l’exploitation des ressources africaines par des groupes chinois qui ne contribuerait guère au développement local.
Premier partenaire commercial de l’Afrique, la Chine a investi 150,4 milliards de dollars sur le continent africain entre janvier 2006 et juillet 2014. Lors d’une tournée dans cinq pays subsahariens du 7 au 12 janvier 2017, Wang Yi, le ministre chinois des affaires étrangères, a annoncé un objectif de 400 milliards de dollars de transactions bilatérales d’ici 2020, preuve de l’intérêt croissant de l’Empire du milieu pour le berceau de l’Humanité.
Avec 2 500 sociétés implantées sur place, la Chine ne se contente plus d’importer des matières premières et d’exporter du textile. Les mines, l’énergie, les télécoms, la construction et les transports sont autant de secteurs porteurs pour Pékin, qui trouve en Afrique des ressources naturelles uniques au monde.
« L’Afrique n’a absolument rien à y gagner »
Problème : depuis plusieurs années, la Chine est accusée de profiter des richesses de l’Afrique aux dépens de l’environnement, et sans participer au développement local à travers la création d’emplois et la transmission de savoir-faire. « En Afrique, la Chine fait exactement ce que faisaient les puissances coloniales », affirme la primatologue britannique Jane Goodall. « Ils veulent les matières premières pour alimenter leur croissance économique, ils prennent les ressources naturelles et laissent les populations encore plus pauvres. »
Selon William Gumede, « la préférence chinoise, tout d’abord, va aux états forts et autocratiques comme le Soudan, l’Angola et le Zimbabwe, perçus comme stables, où les interlocuteurs ne changent pas constamment. […] L’Afrique n’a absolument rien à y gagner, pas le moindre transfert de technologie ou de compétences… Des stades ou de grands théâtres sont érigés pour faire plaisir à des chef d’État et combler des penchants populistes, sans vision des réels besoins à long terme. »
Les marques indélébiles de l’eldorado chinois au Ghana
Preuve de la relation déséquilibrée entre la Chine et l’Afrique, l’eldorado chinois vers les mines d’or du Ghana au début des années 2010 s’est soldée par la surexploitation anarchique des sols à coups de produits toxiques, de cyanure et de métaux lourds. En 2013, le président ghanéen John Dramani Mahama a dû sévir pour mettre fin à cette activité, qui a laissé des marques indélébiles sur l’environnement ghanéen.
Plus récemment, c’est sur la Guinée que la Chine a jeté son dévolu, attirée par ses colossales réserves de bauxite. Le pays de 12 millions d’habitants possèderait en effet près de la moitié des ressources mondiales (25 milliards de tonnes) de ce minerai rouge servant à la fabrication de l’aluminium. En mars 2015, le consortium China Hongqiao Group a signé un accord avec le gouvernement guinéen pour l’extraction de 10 millions de tonnes par an. D’autres compagnies chinoises, comme Henan International Mining et China Power Investment, seraient également en pourparlers pour prendre leur part du gâteau, à tel point que la demande chinoise en bauxite devrait excéder 50 millions de tonnes annuelles d’ici 2019, d’après les experts.
Les dangers de la ruée vers la bauxite en Guinée
Mais là encore, la présence de la Chine en Guinée ne semble pas profitable pour la population locale, bien au contraire. Avant l’Afrique, les groupes chinois ont exploité les sous-sols du Vietnam, de l’Indonésie et de la Malaisie, où la production a quadruplé en quelques années. La pollution massive autour des sites d’extraction, aggravée par la multiplication des mines illégales, a rapidement contraint ces pays à interdire l’activité. La contamination de l’eau et de l’air a en effet entraîné l’apparition de problèmes respiratoires et de maladies de la peau parmi les populations locales.
Dernièrement, l’Australie, également très riche en bauxite, a refusé tout net les appels du pied de la Chine. Autre exemple du rapport inégal entre la Chine et les pays africains : en Afrique du Sud, le rachat en 2007 de 20 % de la Standard Bank pour 5,5 milliards de dollars n’a bénéficié qu’à la Banque industrielle et commerciale de Chine, désormais présente dans toute l’Afrique via sa filiale sud-africaine. « C’est typique du caractère unilatéral des échanges entre l’Afrique et la Chine, analyse William Gumede. Force est de constater que les Sud-Africains n’ont remporté aucun nouveau marché en Chine. » Dans les grandes villes d’Afrique du Sud, l’hostilité envers les Chinois a donné lieu à plusieurs manifestations, et même à des affrontements après la perte massive d’emplois, notamment dans l’industrie textile. Le business de la Chinafrique a peut-être touché là ses limites.
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