Grâce à une insolente croissance qui dure depuis plus de 25 ans, l’Inde est sur le point de devenir la cinquième économie mondiale. Pour poursuivre son essor, le pays de 1,3 milliard d’habitants a développé d’importants échanges commerciaux à l’étranger, notamment avec le Canada et le Qatar.
En 2018, l’Inde dépassera la France et la Grande-Bretagne pour s’installer au rang de cinquième puissance mondiale, selon une note de recherche publiée fin décembre par l’institut de recherche britannique CEBR. Avec un PIB en croissance moyenne de 7 % depuis 1992, la patrie de Gandhi fait partie des trois pays émergents à figurer dans les 10 plus grandes puissances économiques de la planète avec la Chine (2e) et le Brésil (8e). Si la croissance indienne a légèrement ralenti depuis 2007 pour atteindre 5,8 %, contre seulement 2 % pour l’Hexagone, le PIB moyen par habitant devrait néanmoins doubler tous les 12 ans. L’un des principaux bénéfices pour la population, attendue à 1,6 milliard d’habitants d’ici 2040 (soit 17 % de l’Humanité), réside dans le recul de la pauvreté, passée de 38 % à moins de 21 % ces 10 dernières années, selon la Banque mondiale.
Derrière ces chiffres encourageants, l’Inde peine encore à surmonter certaines difficultés qui font obstacle à son émergence totale. Malgré un secteur des services très performant et un « niveau d’épargne et d’investissement élevé » selon l’assureur de crédit Coface, le pays manque encore d’infrastructures, notamment en matière de santé. Il souffre également d’une bureaucratie jugée lourde, qui ne la place qu’en 164e position mondiale en matière de respect de l’application des contrats, d’après le classement annuel de la Banque mondiale. Autant de freins qui peuvent être interprétés comme des marges de progression significatives pour l’Inde, dont l’ouverture vers l’extérieur et la présence à l’étranger via une importante diaspora facilite le développement de partenariats internationaux. Dernièrement, le succès indien a d’ailleurs suscité l’intérêt du Canada, en quête de nouvelles opportunités économiques.
L’économie indienne séduit le Canada et le Qatar
En février, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a ainsi effectué une visite d’une semaine en Inde pour resserrer les liens commerciaux entre les deux pays. Accompagné par six ministres, dont quatre d’origine sikhe, ainsi que de nombreux entrepreneurs et députés. Le Canada compte plus de 1,4 million d’habitants d’origine indienne, un nombre en nette progression ces dernières années qui représente près de 4 % de la population totale du pays. Lors de son déplacement à Agra, Amristar, Mumbai et New Delhi, le chef de l’exécutif canadien a signé un accord sur les investissements étrangers avec son homologue Marendra Modi afin de garantir des protections juridiques favorisant les échanges bilatéraux. Les entrepreneurs canadiens étaient particulièrement intéressés par l’industrie agroalimentaire indienne ainsi que la haute technologie, à l’image du Québec, qui vend à l’Inde des simulateurs de vol.
La vitalité de l’économie indienne se traduit également par sa rapidité à répondre à des besoins urgents, comme elle l’a récemment fait avec le Qatar. Face au blocus exercé par l’Arabie saoudite et ses alliés, l’Inde a renforcé ses échanges commerciaux pour devenir l’un des principaux partenaires économiques de Doha avec le Pakistan, la Turquie et l’Iran. Isolé depuis le 5 juin 2017, l’émirat a remplacé les importations de produits frais en provenance d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de Jordanie, d’Égypte et du Liban en ouvrant deux nouvelles lignes maritimes vers l’Inde et le Pakistan pendant l’été. « C’était normal d’établir ces lignes, car nous étions déjà présents sur le marché indien et nous avions une base solide de clients et de bonnes relations avec les ports, témoigne Jan Mortensen, le responsable danois des transports de contenus de la compagnie maritime Milaha. Nous nous concentrons notamment sur ces deux marchés parce qu’ils ont aussi des liens historiques avec le Qatar et que le pays possède de nombreux travailleurs étrangers issus de ces pays. » En 2008, 18 % de la population qatarie avait des origines indiennes, selon une étude de la CIA.
« Avant l’embargo, nos importations d’Inde étaient déjà fortes. Mais depuis, nous les avons augmentées de 35 % », ajoute Shanavas P.M, directeur de la chaine de supermarchés Lulu au Qatar. En renforçant ses relations avec ses fournisseurs jusque-là minoritaires, le Qatar a réorganisé son économie pour limiter l’impact du blocus, qui semble avoir davantage pénalisé ses adversaires. Selon le dernier rapport du FMI, le minuscule émirat résiste bien à ses puissants voisins. Pour Karim Sader, politologue et consultant, « Depuis une vingtaine d’années, le pays cultive un activisme diplomatique basé sur des alliances tous azimuts qui a été pensé pour survivre précisément à ce genre de scénario ». Des alliances et des échanges, comme avec l’Inde, qui se sont avérées particulièrement utiles quand la crise a éclaté. En tout cas, c’est un échec diplomatique et économique retentissant pour l’Arabie saoudite : Le FMI prévoit pour l’émirat du Qatar un taux de croissance d’environ 2,5% en 2018, soit un peu plus que l’an passé.
L’Inde, restée politiquement neutre dans le conflit, mise sur son allié qatari qui constitue un nouveau marché de choix pour tirer son économie encore plus vers le haut. « Avec l’Inde, on est davantage sur des relations économiques et énergétiques [que le Pakistan], analyse Nabil Ennasri, directeur de l’Observatoire du Qatar. L’Inde est en effet en pleine croissance. Donc on imagine bien le besoin colossal en gaz et pétrole du pays dans le futur ».