Face aux critiques, le gouvernement croate a dû abandonner son idée de confier à d’éventuels donateurs privés le financement de l’achat de médicaments contre les maladies rares. Mais il envisage de se lancer dans une nouvelle aventure hasardeuse.
La décision avait soulevé l’étonnement, voire l’indignation des Croates. En décembre dernier, le gouvernement a accepté l’initiative du ministère de la Santé afin de financer l’achat des médicaments contre les maladies rares. Le ministre Milan Kujundzic avait en effet proposé l’ouverture d’un compte bancaire afin de recueillir les dons des citoyens. L’État s’engageait de son côté à répondre à chaque don privé par un don public de même montant.
Le ministre disait avoir trouvé inspiration sur « le modèle français », en référence probablement au Téléthon organisé depuis 1987 par l’Association française contre les myopathies pour financer des projets de recherche sur les maladies génétiques neuromusculaires.
Mais si le Téléthon français a pour vocation d’aider au financement de la recherche sur les maladies rares, sa mission n’est en aucun cas de pallier l’action de l’État en la matière, et encore moins d’aider au financement du traitement de ces maladies.
Pour de nombreux Croates, l’idée du gouvernement revenait à demander aux malades de s’en remettre intégralement à la générosité d’éventuels donateurs tout en encourageant le contribuable à faire des dons à des agences de santé qu’il finance déjà avec ses impôts.
Rôle primordial de l’État
L’hostilité face à la proposition du ministre de la Santé a cependant atteint un tout nouveau niveau en janvier, quand a été fournie la preuve de son inefficacité. Selon la presse croate, moins de 4 000 euros ont été recueillis pour traiter le neuroblastome – un type de cancer des tissus nerveux – et l’atrophie musculaire spinale (SPA). Or, chaque dose de Spinraza, seul médicament efficace contre la SPA, et de Dinutuximab Beta, indiqué dans le traitement des patients atteints d’un neuroblastome à haut risque, ne coûte pas moins de 85 000 et 47 000 euros respectivement. Ce qui fait très logiquement dire aux familles des enfants malades que l’idée du gouvernement était non seulement critiquable sur les plans éthique et juridique (la santé étant un devoir régalien de l’État), mais également inutile.
Développer un médicament destiné à traiter une maladie rare ne permet pas de recouvrer le capital investi pour sa recherche. Les promoteurs étant de ce fait peu disposés à les développer, la mise en place de dispositifs de financement innovants s’avère indispensable. Mais le rôle de l’État reste primordial, comme l’ont compris la plupart des pays industrialisés.
Si le crowdfunding est souvent sollicité aux États-Unis pour lever des fonds pour soigner des maladies rares, ce n’est qu’en raison d’un système de santé défaillant. En effet, alors que la recherche médicale américaine « demeure une référence mondiale, dotée de financements sans pareil », nombre d’Américains n’ont quant à eux « pas accès aux standards des pays développés ».
Aventure hasardeuse
Confronté aux critiques, le gouvernement croate a finalement décidé d’assumer ses responsabilités. « Le Spinraza, un médicament utilisé dans le traitement de l’atrophie musculaire spinale (SPA), sera mis sur la liste des médicaments fournis par la Caisse croate d’assurance maladie (HZZO) la semaine prochaine, tandis que les essais cliniques de ce nouveau médicament débuteront à l’hôpital KBC de Zagreb le 17 avril et incluront 23 patientes atteints de SPA », a annoncé Milan Kujundzic dimanche 15 avril. Annonce suivie de faits, du moins partiellement, puisque le traitement sera remboursé pour 20 des 40 enfants croates atteints de SPA, ceux étant placés sous respirateur artificiel ne bénéficiant pas de ce remboursement.
La Croatie se met ainsi au diapason avec l’Europe, le Spinraza étant déjà remboursé en Italie, en France et en Suède. Il devrait par ailleurs être bientôt remboursé dans l’ensemble des États membres de l’UE.
Mais le gouvernement croate a aussitôt annoncé qu’il envisageait de se tourner également vers un nouveau traitement proposé par le laboratoire pharmaceutique Roche, dont l’efficacité n’est pas attestée. Alors qu’il a suscité l’indignation en confiant à d’éventuels donateurs privés le soin de financer l’achat de médicaments contre les maladies rares, le gouvernement s’exposera-t-il à nouveau à la colère des patients et du contribuable en se lançant dans une nouvelle aventure hasardeuse ?