En 2019, la question climatique est sur toutes les lèvres. Face à des prévisions inquiétantes pour l’avenir de l’Humanité, nombre d’acteurs veulent aujourd’hui s’investir dans la lutte contre le réchauffement climatique et les émissions de CO2. Et la signature d’un pacte finance-climat est un enjeu important de ce combat. Car il y a urgence.
Quand la jeunesse se lève
Si la médiatisation du mouvement des gilets jaunes a marqué les esprits ces derniers mois, elle ne doit pas faire oublier une autre mobilisation populaire : les marches pour le climat. Ces manifestations, qui ont lieu régulièrement depuis septembre 2018, ont remis l’écologie au cœur du débat public. Le message a également été relayé par la jeunesse, à l’échelle mondiale. Depuis notamment son discours aux Nations Unies, la militante suédoise Greta Thunberg, est devenue l’égérie d’une mobilisation générale des jeunes pour l’environnement. Entre autres actions, l’adolescente a été à l’origine de grèves scolaires ou étudiantes pour le climat, à l’été 2018 et participe aux #FridaysForFuture, des « vendredis verts » fédérant les étudiants et lycéens souhaitant que les gouvernements prennent des mesures d’urgence.
De passage à Paris courant février, l’activiste scandinave a appelé à une nouvelle grève mondiale, le 15 mars, qui pourrait être suivie en France. Depuis quelques semaines, les actes de désobéissances civiles pacifiques se sont multipliés dans l’Hexagone, avec pour mot d’ordre la non-violence et la fermeté : les jeunes souhaitent que la décroissance et la transition énergétiques soient rapidement amorcées, par des gestes politiques forts. Ils ont notamment, à Paris, bloqué les bâtiments de la Caisse des dépôts à Paris le 22 février, en rappelant que l’organisme de financement participait à des investissements d’entreprise ayant recours, massivement, aux énergies fossiles.
Vers un pacte finance-climat ?
Si les jeunes visent en priorité les institutions publiques, ils rappellent également que les acteurs économiques sont pour partie responsables de l’inertie globale des décideurs à ce sujet, et ne couvrent bien souvent cette thématique que par des démarches de greenwashing. Aussi, un pôle d’experts européens a publié le 19 février un projet de traité, pour offrir une réponse claire et simple aux enjeux que pose le réchauffement climatique et la pollution généralisée. Ce pacte finance-climat prévoit la création d’une banque européenne du climat, et d’un fonds spécifique de 300 milliards d’euros par an. Une idée portée depuis longtemps en France par Pierre Larrouturou, qui est parti d’un constat simple : la politique de création de liquidités de l’Union Européenne (ou « QSE ») a dégagé 2600 milliards d’euros depuis 2014, mais seulement 11% de ce montant est allé à l’économie réelle, le reste étant resté dans le giron de la spéculation.
Soutenu par de nombreuses personnalités, dont des députés, des chefs d’entreprise et des climatologues, Alain Juppé, Manuela Carmena (maire de Madrid), ou encore Nicolas Hulot, ce projet de traité prend acte de la nécessité d’impliquer états, entreprises et citoyens dans ce combat contre une catastrophe sans précédent. Orienter la création monétaire vers l’écologie se ferait, en cas de ratification, par le biais d’une Banque européenne du climat capable de mettre à disposition de chaque pays membres de l’UE une somme équivalente à 2% de leur P.I.B., que les états pourraient consacrer à des prêts écologiques à taux zéro, au développement des énergies et des transports propres et à la promotion de l’agroécologie. En parallèle, un fonds européen climat et biodiversité, financé par la taxation des entreprises hors P.M.E. et artisans, pourrait permettre le financement d’actions choisies pour la transition énergétique en Europe, dans les pays méditerranéens et en Afrique. Un afflux de financement qui serait génératrice d’emplois, et une réponse à une partie de la politique européenne qui a préféré, jusqu’ici, sauver les banques plutôt que la planète.
Des urgences et des obstacles
Jean Jouzel, spécialiste des questions climatiques le précise : « Si l’on veut maintenir une chance de rester sous les 2 °C de réchauffement climatique, c’est maintenant qu’il faut agir, et non en 2050. » Des voix volontaires émergent depuis la publication du projet de pacte finance-climat, mais la structure même de l’économie mondialisée est à interroger. Comment, en effet, rappelle Gérard Le Puill, journaliste et auteur, concilier le manque d’harmonisation fiscale européenne avec une transition écologique valable : la France a ainsi instauré une taxe carbone, qui n’est pas suivie dans la majeure partie des pays européens, ce qui favorise les délocalisations industrielles intra-communautaires.
Les entreprises volontaires émergent
Les décideurs entrepreneuriaux européens ont souhaité prendre leur responsabilité face au réchauffement climatique. En janvier, seize entreprises se sont réunies au sein du Corporate Forum on Sustainable Finance. Elles ont pour point commun d’émettre des obligations vertes, des produits financiers qui servent à investir dans le développement durable et la transition énergétique. La RATP, la SNCF, Icade, EDF, Engie, Iberdrola ou Ørsted figurent parmi les adhérents de ce groupe d’échange et de réflexion qui souhaite développer « des instruments financiers répondant à une logique de finances durables ». Dans l’optique de se servir de ces outils pour contribuer à une évolution positive de l’économie.
EDF, par exemple, inscrit ce Forum et l’émission d’obligations vertes dans un cadre plus global : selon les mots de son directeur exécutif groupe en charge de la direction financière, Xavier Girre : « le développement durable est au cœur de notre stratégie d’entreprise. « CAP 2030 », notre programme de groupe, ambitionne de faire de nous un chef de fil en matière de réduction des émissions de carbone, et détermine que nous réduirons nos émissions de CO2 de 40% d’ici 2030. » Les outils de finances vertes y sont directement impliqués. « Les obligations vertes ont permis d’éviter environ 5 millions de tonnes de CO2 par an, grâce à des dizaines de projets en matière d’énergies renouvelables et plus d’une centaine en hydroélectricité », explique-t-il. Dans l’optique des membres du Forum, l’approche durable de l’économie et de la finance est un premier pas, qui séduit de plus en plus d’acteurs majeurs. Preuve que les entreprises européennes ont un rôle important à jouer dans une lutte qui doit tous nous concerner.
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