La guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine a été ravivée par les déclarations de Donald Trump qui envisage de taxer l’intégralité des importations chinoises. Ce conflit stérile, auquel la Chine répond coup pour coup, menace la croissance européenne. L’industrie européenne de l’aluminium, particulièrement exposée à l’évolution des échanges commerciaux mondiaux, pourrait se contracter davantage.
Donald Trump mettra-t-il sa menace à exécution ? Le jeudi 1er août, le Président américain a annoncé sur son compte Twitter l’instauration, à partir du 1er septembre prochain, d’un droit de douane de 10% sur les 300 milliards de dollars d’importations chinoises encore exemptées de taxes à ce jour. L’aluminium de première et deuxième fusion rejoint la liste des métaux non ferreux chinois nouvellement assujettis aux taxes. Les Etats-Unis appliquaient déjà depuis mars 2018 une taxe de 10% à l’importation sur un grand nombre de produits en aluminium, en vertu de l’article 232 du Trade Expansion Act de 1962. Si elle se concrétisait, cette nouvelle annonce pourrait porter préjudice à l’industrie aval de l’aluminium européen, déjà considérablement affaiblie par le ralentissement du marché automobile européen et par le coût élevé de l’électricité.
Déstabilisation des flux commerciaux mondiaux
Car en bannissant totalement la Chine du marché américain, ces sanctions pourraient de fait renforcer la réorientation des exportations chinoises vers d’autres marchés, au premier rang desquels l’Europe. Le Vieux Continent fait déjà les frais de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. L’Empire du milieu, premier producteur d’acier et d’aluminium mondial, en a fait un territoire d’accueil privilégié pour ses produits. Selon l’Association française de l’aluminium, les importations chinoises de produits laminés plats vers l’UE ont progressé de 37% au premier trimestre 2018 par rapport à la même période en 2017. Les importations de produits extrudés ont quant à elles augmenté de 22% au cours du premier trimestre 2018.
Les taxes américaines ont été instaurées par Donald Trump pour protéger la production nationale américaine de métaux des flux chinois qui saturent le marché mondial. Mais ces barrières n’ont fait que déplacer le problème, sans agir à la source. Car le dynamisme des exportations chinoises est le fait d’une surproduction soutenue par l’Etat, qui engendre mécaniquement une forte baisse des prix des produits chinois. En 2018, la surcapacité totale de la Chine équivalait à près de 5 fois la production totale d’aluminium primaire de l’UE, à 10 millions de tonnes. Une concurrence déloyale pour les producteurs européens et mondiaux, qui est régulièrement dénoncée par la communauté internationale.
En prévision du sommet du G7 qui se tiendra à Biarritz du 24 au 26 août prochain, de grands groupes d’aluminium occidentaux ont d’ores et déjà lancé un appel pour réduire les subventions publiques qui faussent le commerce mondial et alimentent la surcapacité chinoise. A l’appui de leur demande, ils citent une étude de l’OCDE selon laquelle 17 entreprises internationales d’aluminium ont reçu jusqu’à 70 milliards de dollars US d’aide publique entre 2013 et 2017, dont 85% ont été perçus par 5 entreprises chinoises.
Coincée entre la surproduction chinoise et le protectionnisme américain, l’industrie de l’aluminium européen poursuit son érosion. Reste que les Etats-Unis ne semblent pas plus avantagés par cette stratégie qui donne lieu à toujours plus de surenchère. En réponse à l’annonce de Donald Trump, la Chine est soupçonnée d’avoir dévalué sa monnaie. “Il est indéniable que les tensions entre les deux pays deviennent de plus en plus inquiétantes et dangereuses. Face à cette situation, l’administration américaine doit trancher : soit elle continue de faire monter les enchères dans cette guerre commerciale, soit elle accepte de discuter avec Pékin afin de trouver, sinon un accord, du moins un compromis qui pourrait satisfaire les deux États.” analyse ainsi David Dollar, ancien envoyé économique et financier du Trésor américain en Chine.
Inefficacité des droits d’importation sur l’aluminium primaire en Europe
Si l’Union européenne n’a officiellement pas pris partie pour l’un ou l’autre camp, elle appelle de ses voeux “un système multilatéral pour un commerce mondial fondé sur des règles”. La croissance durable de l’industrie de l’aluminium ne pourra être possible sans renoncer à toute distorsion du marché qui pourrait avoir des conséquences nuisibles pour les producteurs et les consommateurs d’aluminium. Et à ce titre, l’Union européenne, qui impose des droits de douane à l’importation sur l’aluminium brut, a aussi des leçons à tirer.
Pour tenter de préserver ses producteurs, l’Union européenne a également joué la carte du protectionnisme, en instaurant une taxe à l’importation de 6% sur l’aluminium primaire. Mais cette taxe est un échec : d’une part parce qu’elle n’a pas réussi à empêcher l’érosion des producteurs européens d’aluminium primaire et d’autre part parce qu’elle nuit gravement au secteur aval de l’aluminium. En effet, selon une étude récente de l’Université LUISS commandée par la Fédération des consommateurs d’aluminium en Europe, les droits d’importation sur l’aluminium brut instaurés par l’UE ont coûté jusqu’à 18 milliards d’euros au secteur aval de l’aluminium dans l’UE. Ce secteur représente à lui seul 92% des emplois et 70% du chiffre d’affaires de cette industrie européenne pour le moins stratégique.
Libérer le secteur de l’aluminium en aval
Dans les faits, les droits d’importation appliqués varient entre 3 et 6% et s’appliquent, par un opaque mécanisme de marché, y compris aux utilisateurs d’aluminium brut européens. En conséquence, ces derniers n’ont pas accès à l’aluminium brut à un prix hors taxe. Ce qui donne lieu à une surcharge de coûts insupportable pour les petites et moyennes entreprises du secteur aval, qui dépend des importations pour 74% de ses besoins et ne parvient plus à répondre à la croissance de la demande de produits d’aluminium dans l’UE.
Pour remédier à cette situation injuste qui pourrait conduire à la disparition prochaine de toute l’industrie de l’aluminium en Europe, FACE exhorte l’UE à mettre fin à la surtarification anormale de l’aluminium en levant les droits d’importation sur l’aluminium primaire. Alors que les dernières déclarations de l’entreprise indienne Vedanta laissent présager une concurrence internationale toujours plus pesante pour l’industrie européenne de l’aluminium, l’UE dispose d’un instrument douanier qui pourrait relancer la compétitivité de son industrie, si elle décidait d’en faire usage.