American Airlines lancera l’été prochain cinq nouvelles liaisons intercontinentales, dont une reliant Philadelphie à Casablanca, sa première vers l’Afrique. Un nouveau pont au-dessus de l’Atlantique permis grâce à la collaboration désormais très étroite entre la compagnie américaine et la compagnie nationale marocaine Royal Air Maroc, au sein de l’alliance OneWorld. Un rapprochement économique symptomatique de la volonté des Américains de reprendre pied sur le continent africain.
Philadelphie-Casablanca en quelques heures de vol : à partir du 4 juin 2020, la compagnie aérienne American Airlines (AA) inaugurera une nouvelle liaison saisonnière entre l’ancienne capitale américaine et la célèbre ville portuaire et pôle économique du Maroc. Dans le secteur aéronautique, l’évènement est de taille, puisqu’il s’agira du « premier pas » de la compagnie étasunienne sur le continent africain, qui sera relié par un Boeing 757, à raison de trois vols par semaine.
« Nos clients et les membres de notre équipe nous ont demandé quand nous allions commencer à desservir l’Afrique, justifie dans un communiqué de l’entreprise Vasu Raja, vice-président du réseau et de la planification d’American Airlines. Je ne pouvais être plus heureux de faire cette annonce dès 2020 ». Ce nouveau pont au-dessus de l’Atlantique sera, notamment, favorisé par la collaboration désormais très étroite entre AA et la compagnie nationale marocaine, Royal Air Maroc (RAM), avec laquelle M. Raja s’est également déclaré « impatient » de travailler.
Royal Air Maroc, première compagnie africaine à rejoindre le réseau Oneworld
Un rapprochement rendu possible par l’invitation officielle de RAM, en décembre 2018, à intégrer le prestigieux groupement Alliance Oneworld, le troisième après Star Alliance et Skyteam, et qui comprend treize membres parmi lesquels AA, British Airways, Iberia ou encore Qatar Airways. Mi-2020, RAM sera ainsi la première compagnie africaine à devenir membre à part entière de Oneworld, apportant au réseau quelque 34 nouvelles destinations dans 21 pays.
RAM « est ravie et honorée d’avoir été invitée à devenir les ailes de Oneworld en Afrique », s’est à cette occasion historique félicité le président de la compagnie, Hamid Addou, qui voit dans cette adhésion « une reconnaissance de la qualité de (RAM), de notre leadership et de notre ambition stratégique ». En leur proposant systématiquement la destination et ses attraits touristiques, ce nouveau partenariat mettra ainsi le Maroc « à portée d’un réseau de 520 millions de voyageurs », souligne encore M. Addou.
Quand l’Oncle Sam redéfinit sa politique africaine
Cet accord aérien ne doit rien au hasard. Il participe d’un vaste mouvement de rapprochement américano-africain, et ce alors que les puissances russe et chinoise ont, jusqu’à aujourd’hui, largement préempté les marchés du continent, y exerçant une influence tant économique que géopolitique. Une hégémonie que les États-Unis, longtemps grands absents des affaires africaines, entendent bien remettre en question, en misant, notamment, sur l’industrie du capital-investissement.
C’est ainsi que Washington vient de fonder une nouvelle institution, la Development Finance Corporation (DFC), qui prendra le relais en octobre de feu l’Overseas Investment Corporation (Opic) — une structure créée en 1971, et dont seuls 12 % des prêts étaient accordés à des fonds d’investissement. La nouvelle agence permettra, elle, de réaliser des prises de participation, ce qui, selon son PDG David Bohigian, « sera particulièrement utile dans les fonds de capital-investissement à travers le continent ».
Si la nouvelle structure américaine facilitera les investissements étasuniens en Afrique, son lancement n’est pas dénué de considérations géopolitiques : « cela fait quelque temps que les Américains veulent réactiver leur influence en Afrique et rattraper leur retard, notamment en termes d’influence », décrypte Jean-Sébastien Bergasse, associé du gestionnaire de fonds d’investissement français Amethis. Afin de se démarquer de la sauvage concurrence chinoise, les investissements permis par la DFC devront se plier à un certain nombre de critères, parmi lesquels le respect de la souveraineté des États africains, la lutte contre la corruption, le recours aux travailleurs locaux ou encore la protection de l’environnement.
Le Maroc, nouvelle porte d’entrée des USA en Afrique
Tout le contraire, en somme, des politiques africaines de Pékin et Moscou, des « pratiques prédatrices » qui, selon le conseiller pour la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, « ralentissent la croissance économique en Afrique, menacent l’indépendance financière des nations africaines (et) limitent les opportunités d’investissements américains » sur le continent. Considérant le nord-est africain comme définitivement tombé dans l’escarcelle sino-russe, l’administration américaine mise désormais sur le nord-ouest du continent. Et, particulièrement, sur le Maroc, le royaume chérifien s’imposant comme la véritable « porte d’entrée » des États-Unis vers l’Afrique.
À ce titre, le rapprochement entre Royal Air Maroc et American Airlines est l’une des multiples expressions de cette collaboration entre les deux rives de l’Atlantique.