En deux ans et demi de ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire s’est révélé être « un franc-tireur ». Son discours et ses questions/réponses à la fin de la première journée du Fortune Global Forum, le 18 novembre dernier, ont fourni un regard clair sur sa vision d’un capitalisme socialement conscient pour le XXIe siècle.
Bien que fidèle au parti républicain de l’ancien président Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire a accepté d’assumer les fonctions de chef de la politique économique du pays sous la direction du chef de la nation, Emmanuel Macron, fondateur d’un parti plus centriste La République en Marche. Son approche est un mélange inhabituel : défendre des réformes libérales tout en préconisant un soutien fort du gouvernement pour l’énergie verte, du leadership dans les technologies du 21ème siècle et la solidarité européenne en tant que seul rempart contre l’hostilité croissante des États-Unis et de la Chine.
Depuis son entrée en fonction à la mi-2017, Bruno Le Maire a fait les gros titres en défendant la vague de privatisations la plus radicale de plus d’une décennie, en commençant par l’introduction en bourse de la FDJ – il exulte d’ailleurs que les petits investisseurs réclament des actions, rendant hommage à sa vision du capitalisme démocratique. Son point de vue sur l’initiative de crypto-monnaie soutenue par Facebook, la Libra ? Non merci ! Le meilleur moyen, selon lui, est que les banques centrales nationales lancent leurs propres monnaies numériques exclusives. Bruno Le Maire veut mettre la France sur la voie du zéro émission de combustibles fossiles d’ici 2050. Et le Brexit, dit-il, constitue un puissant avertissement pour les autres pays qui envisagent une sortie de l’UE. « Qu’est-ce que le Brexit démontre ? Que quitter le marché commun européen a un coût économique exorbitant. »
L’économie française est en marche
Bruno Le Maire a affirmé que la France s’était longtemps vantée d’infrastructures de premier ordre, d’universités de premier plan et de grandes entreprises mondiales, mais qu’elle tardait à mettre en œuvre les réformes structurelles indispensables. « Nous n’exploitions pas notre potentiel et les Français l’ont accepté », a-t-il déclaré. La volonté des électeurs de faire de la France un «pays moderne du XXIe siècle», a-t-il déclaré, a créé la vague de fond qui a élu Emmanuel Macron en 2017. Le nouveau gouvernement a réformé la législation du travail afin de réduire le coût et la complexité pour les entreprises pour licencier des travailleurs – la grande raison pour laquelle ils étaient si réticents à embaucher dans une économie forte. Un impôt uniforme de 30% sur les gains en capital a remplacé un régime auparavant complexe qui favorisait les niches fiscales, et une nouvelle loi sur l’impôt sur les sociétés ramènera progressivement la taxe de 35% à 25% d’ici à la fin du mandat de Macron en 2022.
Ces réformes portent déjà leurs fruits. La France a créé 500 000 emplois au cours des deux dernières années et demie, faisant passer le taux de chômage de plus de 10% à 8,5%. La France, affirme Bruno Le Maire, est désormais la première destination européenne des investissements étrangers – grâce en partie à un dividende provenant du Brexit. « 2018 a été notre meilleure année pour les investissements à l’étranger », citant Google et Facebook ayant récemment choisi la France pour de nouveaux pôles de recherche. Il prédit que Paris deviendra le premier centre financier en Europe après le Brexit, notant que Bank of America a officiellement transféré son siège européen de Londres à Paris la semaine dernière, déplaçant 450 employés. Le nombre total de banquiers et d’employés de bureau qui effectuent le changement sera finalement dix fois supérieur à ce nombre, a-t-il prédit.
Dans le même temps, Bruno Le Maire est loin d’être un champion du pur marché libre. Il insiste sur l’importance du rôle de l’État dans la promotion des technologies de pointe et de l’énergie verte. La France a atteint ce qu’il appelle « le jalon » de la vision économique d’Emmanuel Macron en créant un fonds de 10 milliards d’euros destiné à soutenir la recherche en intelligence artificielle, en informatique quantique et en énergies renouvelables. « Toute politique publique doit être verte dès maintenant », affirme-t-il. Sous Emmanuel Macron, la France a stoppé tous les investissements publics dans les centrales au charbon, et son administration a fermement soutenu les nouvelles politiques de l’UE visant à mettre un terme aux subventions destinées aux industries des combustibles fossiles.
Bruno Le Maire a conclu en craignant que l’Europe ne se fragmente au lieu de s’unir, un élément essentiel pour contrer les États-Unis et la Chine. « Je m’inquiète de l’affaiblissement des gouvernements européens », a-t-il déclaré. « Il est difficile pour un parti de remporter la majorité et de prendre des décisions. C’est le manque de décisions qui nourrit le populisme partout en Europe. » Pour Bruno Le Maire, il est important de rassembler toutes les forces individuelles des nations de l’UE pour faire progresser les technologies du futur. « Nous devons rassembler nos ressources », a déclaré Bruno Le Maire. « Aucun pays ne peut faire face seul à ce défi. »