L’égalité femme-homme dans le monde du travail est encore loin d’être acquise en France, comme dans le monde. Aidées par la nouvelle loi, les entreprises françaises sont toutefois de plus en plus investies pour faire avancer la mixité professionnelle.
Promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron, la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018 impose depuis le 1er mars aux entreprises françaises de plus de 1 000 salariés de calculer leur index d’égalité femme-homme. Cinq mois plus tard, 92 % d’entre elles – soit exactement 1 160 sur 1 259 au 27 juillet 2019 – s’étaient pliées à cette nouvelle obligation pour ne pas risquer une pénalité pouvant aller jusqu’à 1 % de leur masse salariale. Les entreprises de 250 à 999 salariés avaient quant à elles jusqu’au 1er septembre dernier pour rendre leurs copies. Et les résultats révèlent d’importantes disparités en matière d’égalité, surtout dans les hautes fonctions.
L’outil de mesure mis au point par le ministère du Travail s’appuie sur cinq critères : la rémunération, l’écart de taux d’augmentation et de taux de promotion, le retour de congé maternité et la représentation dans les fonctions dirigeantes. Parmi le bon millier de groupes de plus de 1 000 salariés ayant rendu leur copie, la moyenne générale s’élève à 83 points, soit huit unités de plus que le minimum légal (75). Le niveau global des grandes entreprises se révèle donc plutôt satisfaisant, avec un trio de tête (Manpower, Sanofi Aventis France et Danone Bledina) flirtant avec le score parfait.
Reste que 18 % des répondants se situaient sous l’indice plancher, soit près d’une entreprise sur cinq. Ces mauvais élèves disposent de trois ans pour remédier aux inégalités ainsi mises au jour. Dans l’ensemble, les entreprises de plus de 1 000 salariés pèchent en particulier dans l’obligation d’augmentation de la rémunération au retour de congé maternité (31 % ont obtenu la note de 0) et la non-mixité parmi les plus hauts salaires (49 %). Ce dernier constat explique en partie la différence de rémunération de 9 % en faveur des hommes à poste de valeur égale et de 25 % en moyenne tous postes confondus en France. « L’inégalité femmes-hommes est l’enjeu de tous. Pouvez-vous tolérer que vos femmes, vos compagnes, vos filles aient un salaire moins important que celui des hommes ?, interrogeait Muriel Pénicaud, ministre du Travail. 45 ans que la loi sur l’égalité professionnelle existe et elle n’est toujours pas réelle. Ça suffit ! »
Les grands groupes sur le front de la promotion des femmes
Avec une immense majorité d’entreprises en règle et même dans le vert en la matière, le tableau n’est pour autant pas si sombre en France. Certaines entreprises n’ont pas attendu l’instauration de l’index de l’égalité professionnelle pour se saisir du sujet en vue de rétablir l’équilibre entre les hommes et les femmes. Crédité d’un index de 80 points, soit 5 unités au-dessus du minimum légal, EDF a signé dès 2004 le premier de ses quatre accords collectifs sur l’égalité professionnelle. Quinze ans plus tard, le groupe peut se targuer d’avoir abaissé l’écart femme-homme sur la rémunération principale à 0,5 % en 2017, contre 5 % en 2002. Pour atteindre un taux de féminisation de 31 % parmi ses managers, l’électricien a notamment revu ses pratiques de recrutement. Il a aussi mis en place des dispositifs favorisant la mixité, comme le réseau professionnel Énergies de femmes. Le 2 décembre dernier, à l’occasion de la plénière du réseau qui compte aujourd’hui 3 800 membres, EDF a renouvelé ses engagements pour briser les plafonds de verre. En 2023, le groupe devra compter au moins 28 % de femmes dans les CODIR. Christophe Carval, directeur exécutif en charge de la Direction RH rappelait à ce titre qu’EDF est « convaincu que la mixité et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sont des facteurs essentiels de progrès social et de performance durable ».
Même constat à la SNCF qui, avec un indice de 78, lui aussi supérieur au plancher légal, multiplie depuis plusieurs années les programmes de mentoring et d’intrapreneuriat pour ses salariées, ses formations au leadership ou encore ses think-tanks sur la question de l’égalité de sexes. Le réseau SNCF au féminin œuvre au quotidien dans ce sens afin de « montrer que les problématiques liées aux droits des femmes, à l’égalité femme-homme, à la mixité des métiers ne sont pas un « nice to have » à mettre en vitrine un jour par an, mais bien un facteur clé de réussite pour l’entreprise tout entière », explique Francesca Aceto, sa présidente. La même démarche se retrouve dans d’autres grands groupes français, à l’image de Renault et son plan « Women@Renault », qui vise à améliorer la représentation des femmes à tous les niveaux et dans tous les métiers de l’entreprise.
Les bénéfices de la féminisation du monde du travail
Pour les employeurs, la promotion des femmes au sein de l’entreprise serait synonyme de meilleurs résultats économiques, d’après plusieurs études. Un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) portant sur près de 13 000 sociétés dans 70 pays a conclu que les groupes favorisant la mixité, en particulier dans les hautes fonctions, dégageaient plus de profits. Pour près de trois quarts d’entre eux, la progression de la parité dans le management se traduirait par 5 à 20 % de bénéfices en plus. À en croire la majorité des répondants, l’augmentation du nombre de dirigeantes serait en effet source de meilleurs recrutements, d’innovation accrue et de créativité ainsi que d’une meilleure image pour l’entreprise. Selon Deborah France-Massin, directrice à l’OIT, ce cercle vertueux commencerait à se former à partir de 30 % de féminisation des postes de cadres. Une tendance confirmée par une étude de l’Institut Montaigne portant sur 300 sociétés à travers le monde. Parmi elles, celles comptant le plus de femmes dans leur comité exécutif afficheraient une proportion de 55 % en plus sur les résultats d’exploitation que celles dirigées à 100 % par des hommes. De plus, la présence d’au moins une femme dans un conseil d’administration réduirait le risque de faillite de 20 ƒ%, selon la même étude. La raison ? « Pour s’adapter à un monde d’hommes, les femmes ont dû développer des comportements que les stéréotypes de genre ont transformé en qualités genrées, analyse Aude Courtois, auditrice de l’étude. Ce ne sont pas les qualités en tant que telles qui sont positives pour une organisation, mais la diversité de genre car celle-ci implique une diversité de comportements. » Pas étonnant, donc, que 84 % des Français fassent davantage confiance aux femmes pour les sortir de la crise, d’après un sondage CSA/Madame Figaro. Et si les pays du Moyen-Orient sont les pires élèves en matière d’égalité hommes-femmes au travail, le France fait, elle, figure de championne du monde avec une note de 100 au classement de la Banque mondiale, à égalité avec la Belgique, le Danemark, la Lettonie, le Luxembourg et la Suède.