Les Français sont célèbres pour leur talent instinctif dans la conception de vêtements chics et formel et il se pourrait bien que ce savoir-faire soit utilisé à l’école.
Les ministres, qui font déjà des heures supplémentaires pour freiner la propagation du coronavirus et relancer l’économie, ont été écartés d’un débat sur la question de savoir si les hauts très courts (crop-tops en anglais) ou d’autres vêtements trop étroits portés par les adolescentes dans les salles de classe constituent un grave affront à la République française.
Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré que les filles devraient aller à l’école habillées « de manière républicaine », autrement dit de façon simple et modeste, mais personne n’en est sûr.
Mme Blanquer répondait à une initiative lancée sur les médias sociaux, baptisée le Mouvement du lundi 14 septembre, qui encourage les élèves à venir à l’école dans leurs plus beaux vêtements « provocateurs » ou « indécents ». L’idée est de revendiquer la liberté de ce qui est considéré comme un code vestimentaire implicite dans les écoles publiques, qui n’ont pas de règlement écrit concernant la tenue vestimentaire.
Dans un pays où les portraits et les statues du symbole de la France, Marianne, souvent représentée seins nus, sont omniprésents, la remarque de Jean-Michel Blanquer a suscité des moqueries sur les médias sociaux. Certains posts représentaient notamment des femmes de la Révolution française dans leurs traditionnels bonnets « phrygiens », vêtues de robes à décolleté profond exposant une large partie de leur poitrine.
Le mot « républicain », qui fait référence à la République française, a été de plus en plus utilisé ces dernières années par les élus pour décrire les valeurs du système démocratique sur lequel la France a été construite pendant plus de 200 ans. Mais beaucoup de représentants politiques, même parmi ses collègues du gouvernement, pensent que le ministre de l’Éducation est allé trop loin.
« En France, chacun est libre de s’habiller comme il l’entend », a déclaré mardi la ministre en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth Moreno, dans le quotidien Parisien. « Les femmes ont mis des siècles à pouvoir s’affranchir des codes vestimentaires. Cette liberté (qui a été acquise) n’a pas de prix ».
Pour certains, la remarque du ministre de l’Éducation en réponse au mouvement du 14 septembre est un différend mineur, mais pour d’autres, c’est la grave question des droits des femmes qui est en jeu. M. Moreno et la ministre de l’industrie, Agnes Pannier-Runacher, ont tous deux regretté que les filles soient les seules à être au centre du débat.
Françoise Cahen, enseignante dans un lycée d’Alfortville, au sud-est de Paris, a tweeté : « Les parents de la jeune Marianne sont priés de venir chercher rapidement leur enfant, renvoyé de l’école pour sa tenue non-républicaine. » Ci-joint, une photo du buste de Marianne, symbole national de la France, ses seins dénudés.
Dans un autre tweet, Mme Cahen note que ce qui est vraiment « indécent » à l’école, ce sont les élèves nécessiteux qui ne peuvent pas se payer les fournitures scolaires ou les chaussures de sport.
Au milieu de ces débats et moqueries, le ministre de l’Education pourrait se voir réconforté par la publication d’un sondage Ifop au sujet des vêtements qui révèlent la peau à l’école.
Le sondage, réalisé auprès de 2 027 hommes et femmes adultes de tous âges, a révélé une large opposition à ces vêtements, avec 73 % de femmes et 58 % d’hommes opposés. Le sondage avait une marge d’erreur d’environ 3 %.