En septembre dernier, le gouvernement français est intervenu pour bloquer un accord d’environ 6 milliards d’euros sur 20 ans qui aurait permis d’envoyer des millions de tonnes de gaz naturel liquéfié des États-Unis vers l’Europe, réduisant ainsi un marché énorme pour une industrie pétrolière et gazière américaine en difficulté.
En ce qui concerne les luttes internationales, il s’agit toujours d’un désaccord décent entre alliés. Pourtant, il met en évidence les lignes de faille qui apparaissent lorsque les États-Unis quittent officiellement le pacte climatique de Paris le 4 novembre et la realpolitik, une approche plus dépouillée de la politique climatique, qui devrait suivre.
L’initiative de la France est inhabituelle. L’accord proposé aurait permis à un projet d’installation de gaz naturel liquéfié (GNL) au Texas, capable de transporter 11 millions de tonnes par an, de livrer du GNL à la société commerciale française Engie, qui est partiellement détenue par le gouvernement français. Mais la France affirme que l’abandon par l’administration Trump des réglementations plus strictes sur les émissions de méthane de l’ère Obama menace le statut du GNL en tant que carburant plus propre. La France craindrait en effet que le gaz naturel expédié en Europe soit trop gourmand en carbone pour ses propres objectifs climatiques.
Daphne Magnuson, porte-parole du Center for Liquid Natural Gas, a déclaré que « le problème plus large est la perception que le gaz naturel américain est en quelque sorte moins propre que les autres sources sur lesquelles la France compte ». Dans une lettre au président français Emmanuel Macron, plus d’une vingtaine de membres républicains de la Chambre des représentants américaine ont cité des études montrant que les émissions de méthane provenant des importations de gaz naturel russe étaient plus élevées que celles provenant des États-Unis. « Nous demandons à votre gouvernement de bien vouloir réexaminer les faits et de reconsidérer cette décision mal informée, qui, selon nous, nuit à nos objectifs communs de sécurité énergétique et aux efforts de réduction des émissions mondiales », indique ainsi cette lettre.
D’autres membres de l’administration Trump ont laissé entendre que les efforts de discrimination à l’encontre des combustibles à forte teneur en carbone « disparaîtront », a déclaré le secrétaire américain à l’énergie Dan Brouillette lors d’une conférence le mois dernier, après que la France a bloqué l’accord. « Non, je n’ai aucune inquiétude concernant ces annonces à court terme ».
Mais il est peu probable que ces certitudes politiques changent. Les taxes sur le carbone, ou ajustements aux frontières, sont la prochaine frontière du commerce mondial et elles s’avéreront particulièrement douloureuses pour les producteurs américains de produits à forte intensité de carbone.
La pression croissante de la France sur les exportateurs américains de pétrole et de gaz est un message clair adressé aux Etats-Unis : très bien vous vous êtes retirés des accords de Paris sur le climat, mais cela va vous coûter cher.