« L’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants » : ces mots de la maire écologiste de Poitiers n’en finissent pas de faire réagir la classe politique. Au-delà des appartenances partisanes, le rêve aérien demeure partagé par les Français. Les écologistes eux-mêmes affichent leur division sur la question. Une polémique qui pose néanmoins l’avenir du transport aérien et de sa décarbonation.
Les Français et la classe politique largement en faveur du rêve aérien
A l’origine, il ne s’agissait que d’une baisse de subvention municipale destinée aux aéroclubs locaux. Mais les propos de la maire de Poitiers, considérant que « l’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants », ont fait polémique, et déclenché une vague de réactions hostiles de la part de la plupart des responsables politiques. Le gouvernement a réagi d’une seule voix : le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a qualifié cette décision de « folie », et les propos de Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers, de « dangereux » et « stupides ». Quant au ministre des transports, Jean-Baptiste Djebbari, il a déploré des « élucubrations autoritaires et moribondes ».
Faut-il y avoir une attaque en règle d’un gouvernement qui voit dans les maires écologistes un concurrent sérieux à l’approche des futures échéances électorales ? Pas sûr, tant les réactions ont été le fait de l’ensemble du spectre politique. Gauche comme droite ont semblé se réunir autour de la défense des rêves des enfants. Valérie Rabault, présidente du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a dénoncé une atteinte à la liberté : « Rêver, c’est la liberté. Évoquer des rêves dont on doit préserver les enfants revient à remettre en cause cette liberté ». Même son de cloche chez Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France : « Priver les enfants de leurs rêves et les rééduquer, ce n’est plus de l’écologie, c’est du totalitarisme ».
Une forme d’union sacrée qui s’explique peut-être par l’indignation d’une large majorité de Français suite aux propos de Léonore Moncond’huy. A la question « « L’aérien ne doit plus faire partie des rêves des enfants », la maire EELV de Poitiers vous choque-t-elle ? » posée par un sondage Les Grandes Gueules sur Tweeter, 85,3% des 6300 participants ont répondu oui.
Une polémique de plus qui fragilise les écologistes
Face au tollé, la maire de Poitiers a tenu à préciser ses propos : « Cette décision est en cohérence avec notre projet écologiste », a-t-elle rappelé. Mais au sein même du camp écologiste, la question semble diviser. L’édile poitevine a reçu le soutien du chef des Verts, « énième polémique où l’enjeu est surtout d’attaquer les écologistes », selon Julien Bayou.
Mais les écologistes ne sont pas unanimes sur la question : Jean-Luc Mélenchon a ainsi tweeté « Coucou Poitiers ! Les rêves restent toujours libres. Signé Icare ». Le chef de la France Insoumise (LFI) a pourtant récemment proposé un accord à Europe Ecologie Les Verts (EELV) en vue des élections régionales. Des propos qui risquent de fragiliser la difficile union de la gauche et des écologistes. L’eurodéputé écologiste Yannick Jadot a beau avoir assumé la décision de la maire de Poitiers de réduire les subventions aux aéroclubs locaux, il n’en a pas moins rappelé que « la politique n’a pas à s’intéresser aux rêves des Français ». « Je pense que les rêves, c’est l’intimité », a rappelé le potentiel candidat à la présidentielle, précisant avoir pu « découvrir une partie de la beauté du monde grâce à l’avion ».
Derrière cette polémique se pose la question de l’avenir du transport aérien et de la décarbonation du secteur
Léonore Moncond’huy a beau avoir tenté d’apaiser la polémique, celle-ci est aujourd’hui révélatrice des débats principaux qui traversent la classe politique au sujet du transport aérien. « L’écologie, c’est pas une question de noir ou blanc, c’est une question de priorisation, c’est une question de sobriété : de quoi avons-nous vraiment besoin. Et il ne s’agit pas non plus de remettre en question les grands imaginaires qui ont structuré le XXe siècle », a ainsi nuancé la maire de Poitiers.
Pourtant, derrière ces attaques se pose la question de l’avenir du transport aérien. A très court terme, c’est d’abord l’avenir économique qui interpelle les responsables politiques, à l’heure où l’industrie aéronautique doit faire face aux conséquences de la crise sanitaire. Le ministre de l’économie Bruno Le Maire s’est ainsi inquiété des emplois du secteur : « Je ne veux pas voir quelques élus nous expliquer que c’est la fin de l’avion et de l’aéronautique. (…) Ils iront expliquer cela aux 400.000 salariés et ouvriers qui travaillent dans l’aéronautique français ».
Les réactions de la classe politique ont aussi évoqué la transition environnementale du secteur aérien. Le rêve aérien, ce serait alors de concilier progrès et décarbonation, comme l’a évoqué la députée socialiste Valérie Rabault : « On continuera à rêver, et même de l’avion vert ». Le développement de l’avion à hydrogène symbolise ces espoirs de concilier rêve aérien et respect de l’environnement. Une ambition que porte le gouvernement, et notamment Bruno Le Maire: « J’appartiens à un gouvernement qui estime que l’écologie doit reposer sur l’innovation, les nouvelles technologies. Je me bats pour que Airbus soit le premier constructeur aéronautique au monde à réaliser un avion à hydrogène, c’est ça le vrai rêve ». Airbus prévoit d’ailleurs la mise en service d’un avion de ligne à hydrogène décarboné en 2035. Le rêve aérien pourrait donc vite devenir réalité.