Le marché du reconditionné n’a pas subi la crise. Bien au contraire, jamais les ventes d’objets reconditionnés n’ont été aussi hautes. Des magasins comme les Hubside.Store permettent aux consommateurs indécis de se faire leur propre avis et de tester les appareils.
Une jeune pousse qui devient grande : créée en 2016, Largo, startup spécialisée dans le reconditionnement d’objets électroniques, vient d’annoncer son entrée en bourse. Avec cette introduction à Euronext, Largo pourrait devenir la première entreprise de reconditionnement cotée en bourse. Un exemple qui illustre le dynamisme d’un des rares marchés qui ne connaît pas la crise sanitaire. Bien au contraire : le marché du reconditionné est passé de 500 à 700 millions d’euros en 2020. Cela représente une progression des ventes de 20% en volume sur cette année. Au total, un dixième des smartphones vendus en 2020 étaient reconditionnés.
Edouard Menantaud, cofondateur de WeFix, spécialiste de la réparation de téléphones portables, « Il y a un vrai boom de ce secteur ». Un avis que partage Sadri Fegaier, fondateur d’Hubside.Store. Cette enseigne spécialisée dans la vente d’objets électroniques reconditionnés vient d’ouvrir un magasin Boulevard Haussmann. Et ce malgré la crise sanitaire, preuve que le secteur est porteur. C’est en tout cas le pari que fait Hubside.Store, qui table sur une centaine de magasins en France d’ici un an, et un volume d’affaires de 100 millions d’euros. Il faut dire que le recours accru au télétravail a boosté les ventes de matériel informatique.
D’après une étude du cabinet Canalys, les ventes de portables et tablettes ont ainsi connu une envolée de 26% en France et dans le monde au deuxième trimestre 2020, par rapport à la même période un an auparavant. Une hausse du matériel neuf pas forcément durable pour Marc Alonso, analyste senior chez Euromonitor International, qui partage son avis : « cela ne veut pas dire que la croissance restera soutenue sur l’année ». En cause, le prix du matériel neuf, en particulier pour les ménages touchés par la crise. Une aubaine supplémentaire pour le marché du reconditionné, qui propose des produits moins chers. C’est une des raisons qui expliquent le succès du marché : « Habituellement, un produit qui a deux ou trois ans sera moins cher de 30 à 50% », précise Vianney Vaute, cofondateur de la place de marché Back Market.
Porté par la prise de conscience écologique, le reconditionné s’étend aujourd’hui à d’autres produits
Il serait toutefois erroné de limiter la tendance du reconditionnement aux seuls smartphones. D’autres appareils électriques sont bien sûr concernés : « Il se vend de plus en plus de consoles de jeux, de PC ou de tablettes », rappelle Benoît Varin, cofondateur de Recommerce, entreprise pionnière en Europe sur le reconditionnement des produits high-tech. Benoît Angermann, responsable France de Rebuy, confirme : « Nous avons aussi vu émerger un engouement pour tout ce qui est lié aux appareils photos. Depuis le début de l’année, les montres connectées ont également la cote ». Un succès porté par la prise de conscience écologique, qui voit dans l’achat de produits reconditionnés une démarche de consommation plus durable. De l’avis de Benoît Varin, c’est ce « côté écolo » du reconditionné qui « permet de rallonger la durée de vie des produits » qui séduit particulièrement. Au point que le reconditionné ne se limite plus aux produits électroniques. Emma, acteur de la literie présent sur Internet, propose ainsi des matelas reconditionnés, disponibles sur la plateforme de e-commerce française Cdiscount. D’autres projets concerne la mobilité, secteur particulièrement important dans la transition écologique. La startup Recy’clo entend proposer d’ici un an des vélos électriques reconditionnés. Son fondateur, Jean-Marc Pierret, a ainsi récupéré une cinquantaine de vélos de La Poste : « J’ai eu envie de créer cette filière de recyclage, car je n’aime pas le gâchis. » précise-t-il. Le secteur de la mode n’échappe pas à cette tendance. Lui aussi est particulièrement en cause dans les émissions de CO2 qui contribuent au réchauffement climatique. Pour limiter son empreinte carbone, Nike a lancé le programme Nike Refurbished, pour reconditionner des chaussures usées, et les « rendre aussi proches que possible de l’état neuf ».
Concilier reconditionnement et service client
Malgré ce succès, des réserves perdurent sur les objets reconditionnés. Les consommateurs peuvent craindre les mauvaises surprises. Un sondage Kantar de 2020 révélait qu’un tiers des Français se disaient réticents à acheter des appareils reconditionnés, à cause de doute sur la durée de vie des appareils. Yoann Valensi, de Certideal, plateforme de e-commerce spécialisée dans la revente de smartphones reconditionnés, milite pour « une plus grande traçabilité des vendeurs ». Pour répondre à ces craintes, certaines enseignes spécialisées font le choix de renforcer leur expérience client. Quitte à proposer l’alliance du reconditionné et de la boutique physique, à l’instar d’Hubside.Store, qui mise beaucoup sur les conseils personnalisés, afin que les clients potentiels puissent se faire un avis. Jean-Pierre Galera, Directeur Général Adjoint d’Hubside.Store, abonde dans ce sens : « Les mauvaises expériences sont nombreuses sur les plateformes dédiées aux produits reconditionnés, parce qu’on ne voit pas le produit, ou sur des photos standards qui ne reflètent pas la réalité ». Pour permettre aux consommateurs de se faire leurs propres avis, Hubside.Store propose également des produits neufs : « Ils peuvent manipuler les appareils et choisir en toute connaissance de cause », se félicite le directeur général adjoint. La startup Largo, qui commercialise aujourd’hui 77% de ses produits en retail via plusieurs enseignes, envisage ainsi de se donner de son propre canal de vente aux particuliers. L’occasion de mettre elle-aussi en avant son expérience client, et de remettre un peu d’humain au cœur du marché du reconditionné.