Le géant de l’énergie Total se conformera à toute nouvelle sanction imposée au Myanmar par les États-Unis et l’Union européenne, a déclaré Patrick Pouyanné, directeur général, lors d’une réunion d’actionnaires vendredi.
Le groupe pétrolier et gazier français est toutefois limité par le cadre juridique actuel et ne peut cesser de payer des impôts au Myanmar ou arrêter sa production, a ajouté M. Pouyanné.
Plus tôt, il a été signalé que l’armée du Myanmar a perdu une source de revenus, le géant français de l’énergie Total ayant suspendu les paiements en espèces à une coentreprise avec l’armée en raison des troubles dans le pays.
Total a fait l’objet de pressions de la part de militants pro-démocratie pour « cesser de financer la junte » depuis le coup d’État militaire de février, qui a été suivi d’une répression brutale de la dissidence.
Plus de 800 personnes ont été tuées par l’armée, selon un groupe de surveillance local.
Total a indiqué dans un communiqué que la décision de suspendre les paiements avait été prise le 12 mai lors d’une réunion des actionnaires de Moattama Gas Transportation Company Limited (MGTC), la coentreprise propriétaire d’un gazoduc reliant le champ gazier de Yadana à la Thaïlande.
La suspension a été proposée par Total, qui détient une participation de 31 % dans MGTC, et son partenaire américain Chevron (28 %).
La société thaïlandaise PTTEP détient un quart de la société, tandis que 15 % sont détenus par la Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), contrôlée par les militaires.
La MOGE tire des revenus annuels d’environ 1 milliard de dollars de la vente de gaz naturel.
« A la lumière du contexte instable au Myanmar… les distributions en espèces aux actionnaires de la société ont été suspendues » à compter du 1er avril, a indiqué Total.
La société a ajouté qu’elle « condamnait la violence et les violations des droits de l’Homme au Myanmar » et qu’elle se conformerait à toute sanction éventuelle de l’UE ou des États-Unis à l’encontre de la junte.
Le gazoduc MGTC achemine le gaz du champ offshore de Yadana, exploité par Total, jusqu’à la frontière du Myanmar avec la Thaïlande.
Total a déclaré qu’il continuerait à produire du gaz afin de ne pas perturber l’approvisionnement en électricité dans les deux pays.
Total a versé environ 230 millions de dollars aux autorités du Myanmar en 2019 et 176 millions de dollars supplémentaires en 2020 sous forme de taxes et de « droits de production », selon les propres états financiers de la société.
Le journal français Le Monde a détaillé l’implication de Total dans MGTC début mai, rapportant également que la société était basée dans le paradis fiscal des Bermudes.
« Les bénéfices colossaux des opérations gazières ne passent pas par les caisses de l’État birman, mais sont massivement récupérés par une société totalement contrôlée par les militaires », a constaté Le Monde.
Quelques jours après la publication de l’article, Le Monde a indiqué que Total avait retiré plusieurs publicités qu’elle avait prévu de diffuser dans ses pages dans les semaines à venir.