Les crises : l’occasion de faire table rase, de tout recommencer en oubliant les erreurs du passé et d’embrasser l’espoir d’un avenir meilleur. C’est le choix qu’ont récemment fait le Crédit Mutuel Arkéa, UPSA et Renault en confiant leurs rênes à de nouveaux dirigeants chargés d’impulser un changement.
« Les entreprises doivent profiter de la crise pour se réinventer », c’est le président du Centre des jeunes dirigeants, Emeric Oudin, qui le dit. Et il n’a pas tort puisque selon la Banque mondiale, un quart des entreprises ont vu leurs chiffres d’affaires diminuer de 50 % pour un recul moyen de 27 %. La sortie de la crise sanitaire est donc propice à un nouveau départ dans la vie des organisations.
À ce titre, un grand nombre d’entreprises ont profité de la fin de la pandémie pour opérer des virages stratégiques, parfois jusqu’à vouloir faire table rase du passé comme chez Crédit Mutuel Arkéa, UPSA ou encore Renault.
Julien Carmona s’affranchit des stratégies de l’ancienne direction
Il ne pourrait bientôt plus rester grand-chose du mandat de Jean-Pierre Denis au sein de la filiale bretonne du Crédit Mutuel, si ce n’est le souvenir d’un dirigeant aux pratiques controversées.
Julien Carmona, élu en mai 2021, a en effet très rapidement décidé d’un changement de cap pour Arkéa, en mettant en vente les deux start-ups Leetchi et Mangopay, acquises bien avant le début de son mandat et toutes deux déficitaires. Clap de fin donc pour l’autre projet phare de l’ancienne direction (avec l’indépendance de la maison-mère, impossible à mettre en œuvre), qui souhaitait faire d’Arkéa « l’Amazon de la banque ». Parallèlement, Julien Carmona, pourtant ancien de Nexity, a également voulu marquer son arrivée chez les mutualistes par le renforcement de l’aspect solidaire de sa banque, en chiffrant son impact en intégrant des données extrafinancières dans sa mesure de performance.
En réaffirmant l’engagement sociétal d’Arkéa et en tournant le dos aux Fintechs, Julien Carmona tire donc un trait sur les paris ratés de l’ancienne direction et renoue avec les bases d’Arkéa : mutualisme et banque de réseau.
UPSA veut miser sur l’humain après des drames
Après un suicide et deux tentatives parmi ses employés dont une reconnut comme accident professionnel par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Lot-et-Garonne en juillet dernier, UPSA a décidé de changer les choses.
Le tout nouvel actionnaire japonais, Taisho Pharmaceutical, avait d’ores et déjà annoncé la nomination d’Isabelle Van Rycke à la tête du laboratoire en mai. La stratège s’est donc retrouvée à devoir redorer l’image de l’entreprise, bien entamée par ces faits divers. Pour cela, elle a dévoilé fin septembre la nouvelle stratégie industrielle du groupe et sa volonté de remettre « l’humain au cœur » de l’entreprise.
Un « nouveau comité » a été installé pour permettre « de renforcer la détection et la prise en charge de tout collaborateur en situation de détresse ». Isabelle Van Rycke, ancienne de Sanofi, aura donc pour mission d’améliorer la culture du management de l’entreprise, « axe à améliorer » de l’aveu même du directeur de la production, Thierry Lhuillier.
Renault veut vendre moins, mais plus cher
Constat sans appel du nouveau directeur du groupe Renault, Luca de Meo : selon lui, depuis 2000, la filière automobile a vu sa production baisser de 60 %, ses emplois chuter de 50 % et son impact négatif sur la balance commerciale française atteindre 25 milliards d’euros.
Plutôt que de prendre peur, l’italien passé par Volkswagen, Toyota et Fiat, a dévoilé une stratégie volontariste pour répondre aux défis de la mobilité électrique : « réinventer le business automobile », rien de moins. Les communicants du groupe français ont même trouvé un nom pour cette étape cruciale, « la Renaulution ». Dixit Luca de Meo, il veut faire passer Renault « d’une entreprise automobile utilisant la technologie à une entreprise technologique utilisant des voitures ». C’est également la fin d’une quinzaine d’années de course aux volumes pour le groupe français qui cherchera désormais à vendre moins, mais plus cher.
Si ces changements de cap pourraient faire grincer des dents en interne, ils plairont certainement à Emmanuel Macron, qui appelait dès juin 2020 à profiter de la crise pour « reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire ».