La Ligue 1 française s’apprête à faire entrer un nouveau partenaire financier dans ses rangs. Plusieurs fonds d’investissement se sont montrés intéressés, témoignant de l’attractivité économique d’un secteur qui brasse toujours plus d’argent. Investir dans le sport n’est, cependant, pas dénué de risques et, selon la forme que prendra cet investissement, peut nécessiter certaines compétences qui ne sont pas à la portée du premier venu.
Serait-ce le début d’une nouvelle ère économique pour le football français ? Sans préjuger des futurs résultats sportifs des clubs tricolores, une page semble bien sur le point de se tourner dans le milieu français du ballon rond, après plusieurs années de marasme financier dû, notamment, à la désaffection des stades liée à la pandémie de Covid-19 et au fiasco industriel du repreneur Mediapro. Endettée jusqu’au cou, la Ligue 1 s’apprête en effet à céder environ 10 % des parts d’une nouvelle société commerciale créée pour l’occasion, qui aura la charge de monétiser les très stratégiques droits de retransmission TV. Et de contribuer à hisser, enfin, le championnat français à la hauteur de ses concurrents européens.
Une dizaine de fonds d’investissement s’est montrée intéressée, parmi lesquels quatre ont été retenus par la Ligue de football professionnelle (LFP). Arguant d’une présence historique dans le monde du sport, le fonds CVC Capital semble en pole position. Liga espagnole (2,7 milliards d’euros investis), Formule 1 (1,7 milliard de dollars), rugby, cricket, volleyball… : les investissements réussis de CVC dans les grandes compétitions mondiales pourraient convaincre les huiles du foot français de confier les clés à un acteur ayant déjà fait ses preuves. Mais la concurrence est rude, avec en lice, rien de moins que les fonds Oaktree Capital (près de 160 milliards de dollars d’actifs), Silver Lake et Hellman & Friedman, bénéficiant, tous, d’une solide réputation acquise auprès des acteurs financiers.
Quel que soit le nom du futur vainqueur, cet attrait des fonds d’investissement pour le ballon rond illustre le nouveau paradigme à l’œuvre dans le sport de haut niveau. Symptomatique des difficultés de trésorerie de certains clubs — voire de ligues entières qui, à l’image de la L1 française, traînent des ardoises de plusieurs centaines de millions d’euros —, l’intérêt de la finance répond, tout simplement, à la loi de l’offre et de la demande : les clubs — et les ligues — ont besoin d’argent, et les fonds d’investissement ont des capitaux à investir.
Investir dans le foot, oui… mais comment ?
Parier sur un club et s’engager dans un championnat sont deux choses bien différentes. Si le premier peut rapporter gros, il faut être prêt à en prendre le risque. Le fonds américain King Street l’a ainsi appris à ses dépens : après avoir racheté fièrement le club des Girondins de Bordeaux au groupe M6 en 2018, le fonds a finalement plié bagage à peine trois ans plus tard en raison des dizaines de millions d’euros de pertes financières engrangées par le club. Bilan de l’aventure pour King Street, une perte estimée à 80 millions d’euros.
C’est là tout l’enjeu d’investir dans un club de foot : rien n’assure, lorsque l’on injecte de l’argent dans une écurie, que celle-ci ne deviendra pas un canard boiteux quelque temps plus tard. « Les investissements dans les clubs individuels ne sont qu’opportunistes », confirme à Bloomberg Nicolas Blanc, le fondateur d’une société de conseil financier dans l’industrie du sport : « c’est très volatil. Vous pouvez être relégué, vous ne savez pas si tel ou tel joueur que vous avez acheté sera performant et la valeur des actifs est très difficile à évaluer ».
Bien que risqué, l’investissement dans un club de football est aisé, car ne nécessitant pas de compétences particulières, en dehors d’un gros apport en capital et des nerfs d’aciers. Voilà pourquoi, en plus des nombreux fonds d’investissement, certains milliardaires et hommes d’affaires ont investi dans des clubs de foot, de Silvio Berlusconi dans l’AC Milan à Bernard Tapie dans l’Olympique de Marseille, de Rybolovlev dans l’AS Monaco à Abramovich dans Chelsea. S’apparentant souvent à un véritable coup de poker, miser sur un club est donc, surtout, un coup de cœur.
S’engager dans un championnat, il faut en avoir l’étoffe
En revanche, entrer au capital d’une ligue entière n’est pas à la portée de tous. D’apparence moins risqué, s’engager à valoriser un championnat au niveau mondial implique d’avoir des compétences solides, et ce dans plusieurs domaines. De la gestion de la réputation à celle des infrastructures, en passant par la qualité des rencontres et la négociation des droits TV… Être à la hauteur de ce type d’engagements nécessite bien plus qu’une simple enveloppe de cash. Et Vincent Labrune le sait.
Ainsi, si l’arrivée de fonds d’investissement dans le secteur du ballon rond témoigne d’une tendance nouvelle, seuls les plus expérimentés seront à même de nouer des partenariats gagnant-gagnant avec les instances dirigeantes des grands championnats. Faire de la « Farmers League » le nouvel eldorado du ballon rond ne sera en effet pas chose aisée.