Les recettes des industriels pour décarboner leurs activités

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Dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), l’industrie doit baisser ses émissions de plus de 80% d’ici à 2050. Pour atteindre ces objectifs, le secteur doit poursuivre des efforts engagés de longue date. Le Gouvernement, de son côté, s’engage à soutenir financièrement les industriels pour accélérer la dynamique.  

Avec 20% des émissions annuelles nationales, le secteur industriel est le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre (GES) en France, derrière les transports. Une charge principalement due à la chimie, les minéraux non métalliques et la métallurgie. 

La SNBC, feuille de route qui définit une trajectoire de réduction des émissions de GES en France, fixe, pour l’industrie, « une diminution des émissions de 35 % à l’horizon 2030 et de 81 % d’ici à 2050 par rapport à 2015 », détaille l’Ademe. 

Un défi de taille, mais… 

Point encourageant : depuis les années 1990, le secteur a largement décarboné ses activités. La marche n’en demeure pas moins haute. Dans un document du Trésor intitulé La décarbonation de l’industrie en France, la direction générale écrit : « Si l’industrie est le secteur économique qui a le plus décarboné depuis 1990 (-44 % contre -12 % pour le reste de l’économie), le prolongement du rythme de décarbonation observé sur les dernières années serait insuffisant pour atteindre les objectifs de la SNBC en 2030. » Les émissions de GES ont été réduites de 1,4% par an entre 2013 et 2019, mais elles devront diminuer de 4,1% par an d’ici 2030. 

D’autant que le contexte et son évolution incitent les industriels à faire plus. « La nécessité de décarboner l’industrie est devenue prégnante en France pour trois raisons. D’abord parce que la société, donc les clients des industriels, demandent des produits plus neutres en carbone, tout en réclamant une production sur le territoire français (…) Deuxième raison : la pression réglementaire (…) (comme la SNBC, ndlr). Enfin, les émissions de CO2 par les industriels seront de plus en plus pénalisées financièrement », analyse Nelly Recrosio, directrice Grands Comptes chez EDF. 

La décarbonation est par ailleurs encouragée par le Gouvernement qui en a fait un enjeu national et soutiendra la démarche à grands renforts d’investissements. « En investissant massivement dans la mutation des secteurs qui émettent le plus de CO, nous allons faire entrer la France dans l’ère de la décarbonation et faire de notre pays un leader de l’industrie verte », a rappelé le Premier ministre Jean Castex, dans un tweet daté du 4 février 2022, en marge d’une visite officielle à Dunkerque. Ainsi, les incitations financières actuelles comme le renforcement des réglementations tendent vers une stratégie de décarbonation : « Toutes les entreprises ont des marges de manœuvre pour augmenter leurs performances énergétiques et réduire les émissions de CO2 », estime Nelly Recrosio

Dresser un état des lieux

Pour initier la démarche, un état des lieux préalable est indispensable pour atteindre les objectifs de décarbonation. Première étape : réaliser un audit énergétique, afin d’améliorer les performances énergétiques d’un site de production. A noter qu’il est obligatoire « pour les entreprises dépassant 250 salariés ou 50 millions d’euros de CA et 43 millions d’euros de bilan durant deux années consécutives », rappelle l’Ademe sur son site internet. 

A ce titre, EDF accompagne Piicto, un regroupement de 40 industries de la zone portuaire Caban-Tonkin (port de Marseille Fos), afin de réduire de deux-tiers environ leurs émissions d’ici à 2050. L’énergéticien a réalisé une étude qui dresse un état des lieux énergétique des différents sites. Ce qui a permis de « bien comprendre quels étaient les flux de matière carbonée au sein des sites et [leur]stratégie carbone pour planifier une trajectoire à l’horizon 2050 », développe Marc Didier, ingénieur d’affaires grands comptes EDF. Grâce à cet audit énergétique, la consommation a été estimée à hauteur de 1,4 million de tonnes d’émissions en 2020. A l’horizon 2030, le site devrait les réduire d’un tiers et de deux tiers en 2050. 

Identifier les leviers

Cet audit permet de réaliser une photographie de la consommation énergétique d’un site industriel, d’une installation, préalable indispensable pour mobiliser les bons leviers. L’Ademe en a identifié trois principaux pour la seule décarbonation industrielle : l’efficacité énergétique ; le mix énergétique ; l’efficacité matière et recyclage. Tous sont appuyés par des outils techniques. 

Le premier levier consiste à réduire les émissions directes de GES, via la mise en place de procédés réduisant la consommation d’énergie ou la produisant plus efficacement. Certains misent ainsi sur des outils de pilotage de l’énergie ou l’utilisation de technologies moins énergivores. Dans l’Aveyron par exemple, l’usine de Nutergia, industriel spécialisé dans les compléments alimentaires, a investi de nouvelles installations plus modernes, afin de réduire de 30% sa consommation. L’unité de production est enterrée dans le terrain et couverte d’une toiture végétalisée. Ce qui renforce l’isolation des locaux et réduit, de fait, les besoins en énergie et les déperditions de chaleur. En outre, des puits de lumière intégrés en partie haute du bâtiment limitent le recours à l’éclairage artificiel.  

Second levier : faire évoluer son mix énergétique vers des énergies décarbonées en passant par l’électrification ou encore les énergies renouvelables (EnR). A Mers-les-Bains, les fours de fusion du flaconnier Verescence seront peu à peu électrifiés à partir de 2025. L’industriel ambitionne de réduire ses émissions de CO2 de 40 % d’ici à 2034.  

Recyclage et récupération

Le dernier levier, plutôt axé sur le réemploi, vise à économiser l’énergie en recyclant la matière nécessaire à sa production. Par exemple, certaines technologies sont en mesure de récupérer la chaleur dite « fatale » venant pour l’essentiel des buées de séchoirs, des refroidissements des systèmes frigo, des fumées des fours et des chaudières. Ainsi, l’usine Nutergia utilise des thermo-frigo-pompes capables de récupérer la chaleur extraite du bâtiment et de la réinjecter pour le chauffer. Cette source d’énergie n’a rien d’anecdotique selon l’Ademe, qui a mis en avant un gisement potentiel de 110 TWh, « soit 36 % de la consommation de combustibles dans l’industrie, dont 53 TWh perdus à plus de 100 °C. » C’est également le cas de l’usine de Saint-Gobain d’Aniche-Emerchicourt, qui a pu réduire ses émissions de CO2 en récupérant ses déchets débris de verre (calcin). Un programme soutenu par l’Ademe à hauteur d’1,5 million d’euros, qui a engendré une réduction de 60% des émissions de C02 du site industriel. De plus, le calcin étant récupéré directement sur place, les émissions des transports ont diminué de 20%. 

Afin de soutenir l’effort des industriels et de concilier décarbonation et compétitivité, le Gouvernement, par l’intermédiaire du plan France Relance, mis en place à la suite de l’épidémie de Covid-19, verse des aides financières. L’exécutif consacre ainsi 5,6 Mds € dans le cadre de France 2030 : 4 Mds € seront dédiés à la décarbonation profonde de sites industriels très émetteurs, comme la sidérurgie, la chimie lourde, le ciment, l’aluminium ; 1 Md € seront destinés au déploiement de solutions matures comme (chaleur bas carbone, efficacité énergétique…) ; 600 M €  à l’innovation et à la recherche.

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