Autrefois réservé à une poignée de passionnés, le trail s’est hissé au sommet des disciplines sportives les plus en vogue. Entre passion nature et business florissant, la course en montagne est désormais un véritable filon pour les marques de sport, les stations et les territoires.
Un sport de niche devenu phénomène mondial
Il y a encore vingt ans, courir en montagne était perçu comme une pratique marginale, réservée à des athlètes endurcis. Aujourd’hui, le trail running séduit des centaines de milliers d’adeptes à travers le monde. Cette croissance fulgurante tient à plusieurs facteurs : un besoin accru de reconnexion avec la nature, une recherche de dépassement personnel, et un désir de se démarquer des courses classiques sur route.
En France, pays montagneux par excellence, l’engouement est particulièrement fort. Les grands événements comme l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) attirent désormais des coureurs venus des cinq continents, avec des dossards qui s’arrachent en quelques minutes. La discipline a su combiner l’esprit d’aventure et le goût de la performance, créant un univers à part entière qui dépasse largement le simple cadre du sport.
L’essor économique d’un sport nature
Cette explosion du trail n’est pas passée inaperçue auprès des acteurs économiques. Les grandes marques d’équipement sportif ont très vite compris le potentiel de ce marché en plein essor. Salomon, Hoka, The North Face ou encore Decathlon investissent massivement dans la recherche et développement pour proposer des produits toujours plus légers, techniques et performants.
Chaussures à semelles crantées, sacs d’hydratation, vêtements respirants, bâtons en carbone… Le trail a ses codes, ses innovations, et surtout ses adeptes prêts à investir dans du matériel haut de gamme. Le panier moyen d’un traileur est bien plus élevé que celui d’un coureur sur route classique, et cela en fait une cible de choix pour les marques.
Au-delà de l’équipement, c’est tout un écosystème économique qui s’est structuré : événements sportifs, formations, séjours organisés, coaching personnalisé, influenceurs outdoor… Le trail est devenu un mode de vie, et donc un marché.
Les territoires surfent sur la vague
Les stations de montagne, autrefois centrées sur le ski, ont vu dans le trail une opportunité en or pour attirer les visiteurs en été. Certaines ont même développé des infrastructures dédiées, comme des parcours balisés, des espaces d’entraînement ou des compétitions locales. Chamonix, par exemple, est devenue la “Mecque” du trail mondial grâce à l’UTMB.
Ce repositionnement est stratégique : il permet de lisser la fréquentation touristique sur l’année, de diversifier l’offre, et de renforcer l’attractivité du territoire. D’autres régions, moins connues, cherchent aussi à se faire une place en misant sur cette discipline authentique et exigeante.
Les collectivités investissent, les partenariats public-privé se multiplient, et l’événementiel trail devient un levier de développement local. Pour certaines vallées, ces courses représentent une manne économique comparable à une saison de ski réussie.
Un équilibre à préserver entre business et valeurs
Mais cette professionnalisation rapide suscite aussi des interrogations. Le trail puise sa force dans des valeurs fortes : humilité, respect de la nature, autonomie. L’inflation des formats, des sponsors et des enjeux financiers pourrait-elle menacer cet esprit originel ? Certains puristes s’en inquiètent, tandis que d’autres saluent une démocratisation bienvenue.
La question environnementale est également centrale. Un afflux massif de coureurs sur des sentiers fragiles, des déplacements internationaux, une production de matériel en constante hausse… Le trail peut-il continuer à croître sans renier ses principes écologiques ? Plusieurs organisateurs et marques tentent de montrer l’exemple en optant pour des événements écoresponsables, du matériel recyclé ou local, et en sensibilisant les pratiquants.
Le trail running incarne à merveille les paradoxes de notre époque : une soif de nature, de liberté, mais aussi une logique de consommation et de performance. En l’espace de deux décennies, il est passé du statut de passion confidentielle à celui de sport mondialement reconnu et hautement monétisé. Reste à voir si ce succès pourra se conjuguer durablement avec les valeurs profondes de la discipline.